Je viens de recevoir le catalogue de la 12e Triennale de l’affiche politique de Mons, c’est l’occasion de parler de cette manifestation unique en son genre. À ma connaissance, c’est la seule exposition d’affiches politique de dimension internationale. Des graphistes de tous les horizons envoient leurs œuvres, au final 121 graphistes, venant de 25 pays ont été sélectionnés.
On y trouve un peu de tout, la politique étant partout, des sujets aussi variés que le droit des femmes, l’écologie, les élections en Russie, par exemple, sont mis en forme par les graphistes. Dans ce mélange un peu fourre tout on peut relever plusieurs tendances fortes.
1- L’absence des partis, ONG, associations et syndicats
Dans une telle exposition on s’attend à voir des exemples de productions d’organisations politiques structurées telles des partis, des ONG, des associations ou des syndicats. Eh bien walou, à part 3 exemples pas très convaincants (La Fondation de France et les regroupements d’associations Rood et No Border). C’est difficile à croire que pendant 3 ans, sur toute la planète, pas une seule organisation collective humaine, concernées de près ou de loin par la politique n’ait pas produit une seule affiche valable. Que s’est-il passé ? Est-ce le jury de la triennale de Mons qui n’a pas retenu ce type de productions ? Est-ce que ce sont les organisations politiques qui n’ont pas souhaité présenter leur affiches ? On sait aussi que les grands partis et syndicats ne font plus appels à des graphistes indépendants depuis longtemps, les agences de communication ayant toutes les commandes de ce type. Néanmoins on voit encore régulièrement des associations, des petits partis et des syndicats produire des affiches de qualité, espérons qu’elles seront plus valorisées à la prochaine édition de cette Triennale.
2- La disparition de la commande publique
Autre grande absente, la commande publique n’est représentée que par 3 villes françaises. Là aussi où est passé la production, pourtant considérable, des collectivités territoriales et de l’Etat ? Sur des sujets politiques comme l’écologie, l’éducation, la santé, l’aménagement du territoire, etc… de nombreuses affiches sont commandées par les pouvoirs publics, où sont-elles ? On sait, pour la France en tout cas, que ce qu’on appelait autrefois le « graphisme d’utilité publique » est de plus en plus transformé en communication publique. Et le plus souvent cela passe soit par des graphistes en interne sans véritable formation soit par des agences qui y appliquent le langage publicitaire. Le résultat est souvent médiocre mais on trouve quand même heureusement toujours des belles surprises sur nos murs qui malheureusement ne sont pas exposées içi.
3- Les affiches de biennale
Il s’agit de la grande majorité des affiches, ce sont des œuvres auto-produites par les graphistes à destination exclusives des biennales où des concours d’affiches. C’est l’occasion pour eux de montrer leur virtuosité sans que leur visuel soit pollué par des slogans trop lourds ou les habituelles brochettes de logos. Et effectivement beaucoup d’entre elles sont magnifiques sur la forme, elles manquent par contre, pour la plupart, de force sur le contenu. On est souvent dans les bons sentiments : « La guerre c’est mal », « le sida c’est dangereux », « C’est pas bien de tricher aux élection ». Et comme c’est des affiches qu’ils envoient à toutes les biennales on les a déjà vu de nombreuses fois.
Voici quelques exemples réussis de cette catégorie :
- Bangqian Zheng « Le monument aux héros du peuple » Dans ce tryptique l’auteur se moque avec ironie du pouvoir chinois. Le vrai monument est un immense mausolée pompier sur la place Tian’anmen, il le représente ici comme une sorte de paillasson qui montre pour lui la réalité de la condition du peuple chinois aujourd’hui.
- Mehdi Saeedi, Iran, « Travail des enfants… » et Taber Calderon, Etats-Unis, « Punir la criminalité des entreprises ».
- Mehdi Saeedi, Iran, « Peace »
- Hussaini Mohammad Qasim, Afghanistan, « Produit de l’armée américaine ». L’auteur se demande pourquoi la production de pavot a-t-elle augmentée depuis l’arrivée de l’armée américaine ? Et à droite, Götz Gramlich, Allemagne, « Lire entre les lignes ». L’affiche est imprimée sur la Une de Bild, le journal à sensation allemand, qui reprochait aux immigrés leur manque de volonté de s’intégrer.
4- Les affiches militantes
Là aussi il s’agit d’affiches auto-produites par les graphistes mais cette fois à destination d’un contexte militant. La mienne par exemple a été conçu à l’automne 2010 pendant le mouvement social contre le projet de réforme des retraites en France. A l’époque les salariés de l’ensemble des raffineries françaises se mettent en grève pour faire pression sur le gouvernement. Cela durera plusieurs semaines, mettant en danger l’approvisionnement en pétrole du pays, les stations services étaient prises d’assaut par peur d’une pénurie. Malheureusement l’ensemble du mouvement s’est essouflé et le gouvernement a utilisé aussi la force pour rouvrir ces lieux stratégiques. Les revendications des salariés n’ont pas abouties néanmoins cette grève a été très populaire et les manifestations de l’automne 2010 sont parmis les plus importantes en France depuis le mouvement social de l’hiver 1995. Pour soutenir ces salariés un collectif de graphiste a conçu des affiches qui étaient vendues pendant les manifestations au profit de la caisse de grève. On trouve des traces de cette action ici et là.
Dans cette catégorie on trouve aussi le remarquable travail du collectif de l’École de la montagne rouge. Ils ont 7 affiches exposées dans la triennale et pour ma part c’est à eux que j’aurai remis le premier prix de cette exposition. Voilà un beau travail collectif, poétique, politique et qui a eu une influence réelle sur le succès du « Printemps érable » au Québec.
Pour tous les amoureux du graphisme et de l’affiche politique en particulier je vous invite donc à visiter la 12e Triennale internationale de l’affiche politique à Jemmapes, près de Mons en Belgique, c’est jusqu’au 13 avril 2014, vous pourrez vous y faire votre propre opinion (merci à Anne-Thérèse Verschueren pour les photographies de l’exposition).