Voilà une petite recension du livre de dessins d’El Roto que j’avais écris dans le diplo d’avril dernier. Je profite du blog pour y joindre quelques images de ce maître du dessin de presse et aussi un lien vers son éditeur http://www.lescahiersdessines.fr/ une superbe collection dirigée par Frédéric Pajak.
Haïkus graphiques
« Nous avons créé un fonds de solidarité pour les victimes de notre politique », déclare un homme en costume-cravate et lunettes noires. C’est le genre de personnages absurdes et inquiétants qu’on croise dans les dessins d’El Roto, un pseudonyme qui signifie approximativement « le Cassé ». Les lecteurs d’El País le connaissent bien : il y sévit chaque jour depuis une vingtaine d’années. Référence en Espagne, l’œuvre d’El Roto est encore peu connue en France. D’où l’intérêt de ce livre récent (1) présentant cent trente-trois de ses dessins.
Autodidacte, Andrés Rábago García commence à publier sous la dictature du général Francisco Franco dans des revues d’opposition. A partir de 1972, il participe au mythique journal satirique Hermano Lobo, fondé par Chumy Chumez, autre monument du dessin de presse espagnol. Il contribue ensuite au foisonnement de la Movida, notamment dans les revues de bandes dessinées Madriz, Tótem, El Cuervo… Il collabore parallèlement aux journaux politiques nés de la transition : Diario 16, Cambio 16, Tiempo, El Periódico de Catalunya… et El País.
El Roto n’est pas un humoriste. Il fait plutôt partie des poètes du dessin satirique, comme Jacques-Armand Cardon ou Roland Topor. Il ne cherche pas à construire des gags, mais des sortes de haïkus graphiques. Un univers subtil où son trait sobre et élégant interroge la folie du monde. A la manière de Gébé, il nous invite à faire un « pas de côté » pour percevoir la réalité autrement.
(1) El Roto, Le Cahier électrique, Les Cahiers dessinés, Paris, 2013, 160 pages, 19 euros.