Alors que se termine la semaine d’hommage intergalactique à Nelson Mandela il est surprenant de noter que cet évènement, couvert par tous les journaux de la planète, a finalement donné très peu de « une » fortes. C’était pourtant une « nécro » qui était prête
depuis longtemps, les rédactions attendaient cela depuis plusieurs mois et elles auraient eu tout le temps de préparer quelque chose d’original.Mais non, elles ont fait le job, sans plus. Pourtant on savait qu’il existait sur le grand homme environ une quinzaine de portraits incontournables
et que ces images allaient se retrouver sur toutes les unes du monde. Et ce qui était prévisible arriva : un raz de marée de unes conformistes et semblables les unes aux autres.
J’ai sélectionné 2 exemples, le premier c’est 4 unes avec le portrait de Mandela par Greg Bartley (en ouverture du post) et le deuxième 4 unes avec un portrait de Hans Gedda (avec le poing). On note que la plus audacieuse dans cette série est celle du Guardian qui a carrément fait disparaître son logo pour l’occasion et placé la typo de façon très minimaliste sur une ligne au centre de l’image, dans un corps assez faible ce qui met en valeur la force du regard, accentué aussi par un léger recadrage.
Finalement les unes les plus fortes ont été réalisés en illustration, c’est dommage qu’aussi peu de journaux utilisent les illustrateurs pour des évènements politiques internationaux majeurs. Ces 2 exemples prouvent que l’illustration a toute sa place pour ce genre de une. La première est celle du New Yorker, elle est l’œuvre de Nelson Kadir, le grand homme y est représenté jeune et combatif, la période révolutionnaire de Mandela à l’époque où il créé la branche armée de l’ANC. La 2e, plus abstraite mais aussi très réussie est l’œuvre de Noma Bar pour le journal néerlandais Vrij Nederland (regardez bien l’oeil de Mandela !).
Sur un plan plus politique, il était cocasse de voir des représentants de pays qui ont autrefois soutenu l’apartheid rendre hommage à Mandela. Je ne m’attarderai pas sur les Etats-Unis et la Grande-Bretagne dont la compromission était manifeste. Ni sur Israël grâce à qui, en 1990, ce régime proche de l’idéologie nazi était sur le point d’obtenir la bombe atomique. J’aimerai profiter de l’occasion pour rouvrir quelques pages de l’album de famille franco-sud-africain. Vous vous souvenez de Robert Pandraud ? Ce Gaulliste était le ministre délégué à la sécurité de Jacques Chirac lors de la première cohabitation, il est resté tristement célèbre (avec Charles Pasqua) pour la répression des manifestations étudiantes de 1986. Mais ce grand homme a aussi refusé à plusieurs reprises d’accorder une protection policière à Dulcie September – la représentante de l’ANC à Paris –, elle sera assassinée à Paris le 29 mars 1988. Elle enquêtait sur des trafics d’armes entre la France et l’Afrique du Sud.
Commerce que maîtrisait bien le mercenaire français Bob Denart qui depuis sa base des Comorres (et avec l’aide des réseaux Foccart) organisait de juteux trafics qui permettaient à Pretoria de contourner l’embargo économique. On peut rappeler aussi le voyage en Afrique du sud en juillet 1987 de 9 parlementaires RPR, UDF et FN qui déclareront à leur retour que l’« Apartheid n’existe plus ». Ou encore le grand humaniste Jacques Médecin, maire de Nice de 1966 à 1990 qui décide en 1974 de jumeler sa ville avec Le Cap. Il faut rappeler la très belle action d’Ernest Pignon Ernest (lui aussi niçois) lorsque Médecin avait invité l’équipe de rugby Sud-africaine à venir jouer à nice, il avait collé le long de la route qui emmenait les joueurs de l’aéroport au stade des sérigraphies de citoyens anonymes noirs parqués derrière des barbelés.
Et pour finir c’est aussi intéressant de rappeler l’implication des multinationales françaises dans le commerce avec L’Afrique du sud ségrégationiste, Total et Cartier notamment
grâce à un subtil jeu de sociétés écrans contournaient l’embargo pour faire du business avec les cartels afrikaners qui gèraient les richesses du pays (minerais, diamants, etc.). L’artiste Hans Haacke avait réalisé une fameuse installation sur ce thème en 1986.